Au
nom de Dieu le Clément le Miséricordieux
(Première
Partie)
Message
du Cheikh Khaled Adlen Bentounès adressé a l’occasion de la célébration
du cinquantenaire du Cheikh Adda Bentounès 30 et 31 octobre 2002
(
Cheikh Adda BENTOUNES)
à
travers ses œuvres et les témoignages
vivants d’écrivains, hommes de presse, hautes personnalités, et de ses
contemporains parmi ses disciples et amis.
Présentation
du livre
« Je
suis un de la fraternité »
Cheikh
Hadj ‘Adda Bentounès
Par
Le
Cheikh BENTOUNES
Présenter
le Cheikh
Hadj ‘Adda Bentounès et son oeuvre n’est pas une entreprise aisée.
Sa fidélité et sa proximité avec son maître, le Cheikh Ahmed
Al-Alawî
, jusqu’à ses derniers
instants ont façonné, poli et pacifié son âme. Il est devenu un cristal
pur, aux multiples facettes dont chacune brillait d’un éclat singulier.
Tous ceux qui l’ont connu ou approché en ont gardé un souvenir
inaltérable. Cette personnalité immergée dans le divin, enseignant
l’éveil et prêchant inlassablement une fraternité à réaliser en
l’homme, suscita comme de bien entendu, des témoignages divers voire
contradictoires.
Ceux-ci
démontrent le caractère exceptionnel de la personnalité de cet homme dont
le destin particulier se révéla, dès le premier contact, à l’âge de
huit ans, avec le Maître encore moqaddem du Cheikh Sidi Mohammed Al
Buzidi.
Jean
Biès, alors âgé de 19 ans, eut le privilège de le rencontrer en 1952 à la
Zaouïa de Mostaganem. Il dit :« L’avenir allait prouver que
l’homme ferait honneur au jeune homme, et le vieillard à l’enfant. Sheikh
Adda devint un saint et fonda sa demeure dans les « haleines de la
familiarité divine ». Il est toujours présent en moi, tel qu’en lui
même, coiffé d’un turban, drapé dans son
ample djellaba de soie blanche qui, un jour, serait son suaire,
et portant autour du cou le chapelet aux quatre-vingt-dix-neuf noms de Dieu
(dont le centième reste inconnu et imprononçable), désignant les
Perfections et les Activités divines, les essences universelles contenues
dans l’Essence immanente du monde. En lui se respiraient l’humilité,
l’amour, la patience, la bonté, la simplicité. »
Il
allait à la zaouïa comme tous
les enfants du quartier de Tidjdit, (le quartier arabe de Mostaganem où il
est né) apprendre le Coran :
les seuls établissements, à l’époque, assurant à la fois l’instruction
religieuse et scolaire. Très tôt il fut attiré par l’atmosphère des
lieux et séduit par la noblesse des disciples. Petit à petit, il s’attacha
à la tariqa, avec son frère aîné Munawwar Bentounès. L’un et
l’autre en devinrent des élèves, assidus aux cours qu’ils recevaient de
leurs aînés (Coran, théologie, apprentissage de la langue arabe, ainsi que
les cours de samâ). Dès lors son chemin fut tracé. Il se donna corps
et âme à l’enseignement exotérique et ésotérique qu’il reçut de son
maître le Cheikh Al-Alawî, son père
spirituel. Il fût appelé, avec la classe 18, comme tous les jeunes
algériens de son âge au service militaire ; il a été affecté aux 2éme
et 6éme régiments des tirailleurs algériens. Démobilisé
en 1921, avec le grade de sergent, il retourna, naturellement, à la zaouïa.
Sa mère désespérée de ne pas le voir revenir chez elle, l’appela,
le supplia de s’éloigner de
son maître et de fonder un foyer. Jean Biés rapporte ce dialogue entre la mère
et le fils :
-« Voici
le coffret de mes bijoux ; je les ai gardés pour toi afin que tu fondes
un foyer
-Que
ferai-je de tout cet or ?
-Cesse
de suivre le Cheikh Al-Alawi ; élève une famille ; ces
bijoux sont à toi ; je te les donne.
-
Et moi, je te les donne afin que tu me laisses suivre le Cheikh. »
J’ajouterai
qu’il s’était rendu à l’âge de 24 ans (en 1922)
à l’université de la Zaytûna à Tunis avec la permission du Cheikh
Al-Alawi, pour perfectionner pendant deux ans ses connaissances en langue
arabe et en sciences théologiques. Après ce court séjour hors de l’Algérie,
il revint près de son maître pour se consacrer entièrement au service de la
tariqa.
Le
Cheikh, ayant remarqué son aptitude à l’éducation spirituelle, le
rapprocha intimement de lui et lui confia de nombreuses tâches, notamment
celle de le représenter à différentes occasions. D’ailleurs, une année
plus tard, il le maria à sa nièce, Kheira Benalioua, qu’il avait adoptée
et élevée comme sa fille à la mort de ses parents.
Sentant
sa fin proche, le Cheikh Al-Alawi l’adopta comme fils
et devant le cadi de la Mahakma
de Mostaganem il en fit
son légataire universel comme le stipule l’extrait de l’acte
testamentaire référencé
KK838, n° 594 du répertoire de la Mahakma : article quatrième,
« Les biens de toutes natures présentement constitués habous seront
gérés par l’honorable Sid Bentounès Adda ould Benaouda, demeurant à
Mostaganem, institué au rang de fils du fondateur. Cet administrateur
exercera sa gérance selon les prescriptions édictées sans que nul puisse
s’y opposer, à moins qu’il ne contrevienne excessivement à la volonté
du fondateur quant à la destination du habous. Il administrera ainsi tous les
biens sus-indiqués, sa vie durant ; à sa mort, la gérance sera confiée
au plus vertueux de ses fils et s’il n’a pas de postérité habile à
cette fonction, l’administrateur sera choisi parmi les adeptes de la Confrérie
dont la conduite sera bonne et l’esprit de sagesse sera certain. »
Il
succéda donc à son sublime maître décédé le 14 juillet 1934. Il assura
la pérennité de son œuvre dans la continuité de l’éducation spirituelle
d’éveil donnée à la Zaouia mère de Mostaganem ainsi qu’à travers les
autres zaouias alawiyas d’Algérie,
du Maroc, de Palestine, de Syrie, de Jordanie, d’Égypte, du Hedjaz
etc.
De
différents pays du monde musulman et non musulman, de nombreuses personnalités
venaient, à Mostaganem, lui rendre visite. Elles trouvaient toujours un
accueil chaleureux et vivant comme nous le montre le témoignage de Catherine
Delorme, venue à l’occasion de « l’ihtifal »
rencontrer le Cheikh :
« Le
Cheikh Adda Ben Tounes se tenait
devant la porte pour accueillir les pèlerins qui affluaient de toutes les régions
du Maroc et de l’Algérie. Il semblait attendre mon arrivée et me reçut
comme un membre de sa famille spirituelle, me témoignant même une estime
particulière. Étonnée par ces marques de considérations, à la fois
gênée et rassurée par cet accueil, j’étais aussi inquiète d’arriver
ainsi en pleine fête parmi la multitude des foqaras.(...) J’écoutais ce
qu’il me disait, mais je ne l’entendais qu’à peine. Le visage du Cheikh
absorbait mon attention. J’y découvrais, comme dans un livre ouvert, un trésor
de vertu, d’amour, de patience et de sincérité qui, par sa réserve
pudique, imprégnait ses traits d’une douceur plus impressionnante qu’une
fière assurance. »
Son
charisme, sa simplicité et son humanisme étaient reconnus par tous les
habitants de sa ville dont il était aimé et respecté. A l’occasion
de ces congrès, l’atmosphère de
Mostaganem était irisée
de l’exaltation
qui émanait de la beauté des chants mystiques. Elle devenait en
l’espace d’un temps, le carrefour universel où se rencontraient des
hommes et des femmes assoiffés d’amour divin,
témoignage vivant de la fraternité humaine.
( à suivre)